Mali : La continuité de l’Etat, entre agression et soupçons
Alors qu’on pouvait espérer voir le pays revenir à la stabilité d’un ordre constitutionnel, la transition politique malienne a officiellement démarré mardi 22 mai dans le plus grand des chaos. L’agression du président par intérim dans son bureau le lundi 21 mai, laisse planer un doute certain sur la suite des événements.
L’accord entre l’ex-junte et la CEDEAO trouvé dans la nuit de samedi à dimanche dernier avait suscité l’espoir de voir le Mali entrer dans une période de stabilité… Jusqu’à ce que, lundi, Dioncounda Traoré, désigné par l’accord pour être, pendant un an, le président de la transition politique, soit agressé par des organisations pro-putschistes dans son bureau de Koulouba, près de Bamako. Alors que ce dernier recevait un premier groupe de manifestants venus exprimer leur soutien au Capitaine Sanogo – leader du putsch du 22 mars -, un deuxième groupe embusqué dans la cour aurait alors pénétré le bureau du président dans le but de l’agresser physiquement. A 70 ans, Dionconda Traoré aurait d’abord été soigné pour des lésions sans gravité à l’arcade sourcilière, avant de s’envoler pour Paris afin de subir des examens supplémentaires.
Cette agression met inévitablement à mal la transition politique officiellement entrée en vigueur le 22 mai, et ce, malgré les ultimes rebondissements. La CEDEAO, qui compte bien faire appliquer des sanctions à l’encontre des agresseurs, a immédiatement annoncé l’ouverture d’une enquête pour connaître l’exact déroulement des faits. Certains de ses porte-paroles se sont d’ailleurs étonnés de constater qu’il puisse être aussi simple pour des manifestants d’accéder au bureau du président, laissant ainsi planer le doute sur les services de sécurité, soupçonnés de soutien à l’ex-junte.
Les organisations pro-putschistes demandent, rappelons-le, l’éviction de Dioncounda Traoré au profit d’une nouvelle convention au terme de laquelle un nouveau président par intérim pourrait être désigné. Dans la nuit de mardi à mercredi, elles ont d’ailleurs désigné unilatéralement le capitaine Sanogo comme étant le nouveau président de transition. Ce dernier, qui avait vivement condamné l’agression, n’a pas souhaité rencontré ses partisans, ni même réagir à son illégale nomination.
Depuis le départ du président Traoré pour Paris, le pouvoir en place a tenu à se montrer rassurant sur la continuité de l’Etat, qui s’exerce malgré son absence : le Premier ministre, Cheik Modibo Diarra, assure quant à lui le travail de son gouvernement. Malgré cela, les récents rebondissements risquent de complexifier davantage la situation malienne. Cette nouvelle preuve du refus de l’ex-junte de se retirer totalement du processus de transition pourrait entraîner de nouvelles mesures de la CEDEAO : près de 3000 militaires ouest-africains pourraient rapidement être déployées. Seul suffirait pour cela que les autorités maliennes en fassent la demande.