Hollande et la Françafrique : une nouvelle ère est-elle possible ?
« Le changement, c’est maintenant ». L’espoir de voir émerger une autre politique avec l’arrivée au pouvoir de François Hollande, les Français la partagent depuis des mois avec … les Africains. En finir avec la Françafrique, serait en effet l’un des objectifs du nouveau président. Mais, malgré la bonne volonté affichée tout au long de sa campagne, on ne peut douter que sa tâche s’annonce extrêmement complexe.
Il a promis une « rupture avec les vieilles pratiques de la Françafrique ». Mais, François Hollande a surtout cherché, pendant des mois de campagne, à se positionner comme un candidat en rupture avec la politique de Nicolas Sarkozy. Ainsi, sur l’Afrique, le nouveau président souhaite-t-il avant toute chose faire oublier le sulfureux discours de Dakar, prononcé en juillet 2007 par son prédécesseur, et faisant de « l’Homme africain » celui qui ne serait « pas assez entré dans l’Histoire ». Ses cartes à lui, promet-il, seront plutôt co-développement et partenariats. Quant à la démocratie… une valeur avec laquelle François Hollande assure ne vouloir transiger sous aucun prétexte.
Exit donc, les rapports de domination et d’affairisme à travers lesquels la France maintient, depuis la décolonisation, son influence sur le continent africain ? Adieu accords secrets, soutien politique et militaire donnant aux régimes autoritaires africains l’assurance d’une vie longue ? Fini les accords préférentiels sur le pétrole ou l’uranium avec des chefs d’Etat éliminant ainsi tout risque d’opposition à leur illégal maintien au pouvoir ? Enfin… Ciao mallettes, dont il est inutile de rappeler ce qu’elles contiennent ? Assurément, à entendre François Hollande, l’heure de la moralisation des échanges entre la France et le continent africain aurait sonné. Et l’homme ne semble pas vouloir en faire une parole en l’air…
Car, bien qu’il ai pu lui être reproché durant sa campagne de ne « pas trop se mouiller » vis-à-vis de l’Afrique, quelques une de ses propositions ont néanmoins suscité l’espoir et l’intérêt des Africains : dynamisme des échanges universitaires et de l’accueil des étudiants étrangers sur le territoire français, réduction des délais d’attente concernant les procédures de demande d’asile, et surtout… promesse de la fermeture de la cellule « Afrique » de l’Elysée, en place depuis 1960, sous des appellations différentes en fonction des présidents, et chargée de la sauvegarde des intérêts français sur le continent. Lieu d’exercice même de la Françafrique, en somme.
Pieds et poings liés ?
Pour autant, est-il envisageable de croire que la fin de ces relations ambiguës entre les deux territoires, qui contribuent depuis plus de 50 ans à l’impossible développement durable de l’Afrique, ne peut tenir qu’à la volonté d’un seul homme, tout président de la République qu’il est ? Peut-on penser – qui plus est dans une période de crise – que la France renoncera à ses intérêts pour permettre à ce continent d’enfin émerger ? Qu’elle donnera sa part à d’autres, alors qu’elle est elle-même en très mauvaise posture… Car François Hollande n’est pas le premier à avoir annoncé vouloir se débarrasser de la Françafrique. Beaucoup avant lui s’y sont cassé les dents, François Mitterrand en tête.
Accepter de perdre un peu de son ascendant diplomatique sur l’Afrique de l’Ouest, serait un geste qui, bien que noble, parait fort peu probable dans un contexte où le Mali s’embourbe dans la crise tandis que des otages français sont toujours retenus dans le Sahel. De même que tourner le dos à d’importants intérêts économiques en Afrique centrale, et ainsi devenir un fidèle appui à la démocratie risque d’être difficile dans un moment où la France doit impérativement surveiller l’état de ses caisses. Ainsi d’ailleurs voit-on déjà monsieur Hollande osciller entre deux postures, en ceci qu’il hésiterait à participer sommet de la Francophonie prévue en octobre prochain dans la République Démocratique du Congo de Joseph Kabila, où les élections entachées de 2011 ont laissé certaines traces.
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Une chose est sûre, cependant : Hollande est attendu au tournant. L’espoir et le soutien des Africains au nouveau président ne manqueront pas de rapidement laisser place à la désillusion en cas d’inaction. Selon un célèbre quotidien ivoirien, la déception a déjà eu lieu. Le choix du recueillement devant la personne de Jules Ferry, instigateur sous la III ème République de l’école française laïque, gratuite et obligatoire, pour la cérémonie d’investiture du nouveau président, a quelque peu désarçonné une part de ceux qui le soutienne. Célèbre pour son engagement en faveur de la République, Jules Ferry l’est en effet également pour son action en faveur de la colonisation, dont il fondait l’utilité sur le principe raciste d’éducation des races inférieures. Certes, François Hollande ne voyait dans son choix qu’une manière de mettre en avant l’une des grandes priorités de son mandat : l’éducation. Mais on peut comprendre que, de l’autre côté de la Méditerranée, la pilule ait du mal à passer
Choix des mots et des symboles, engagement, prises de positions, et bientôt actions, une chose est sûre, c’est à la loupe que l’Afrique va scruter le quinquennat du nouveau président. Tout comme la France, d’ailleurs.