Thierry Dol : l’ex-otage d’Aqmi au Niger va porter plainte contre Areva et l’État
Deux ans après sa libération, l'ex-otage d'Aqmi au Niger Thierry Dol s'exprime pour la première fois publiquement. L'occasion d'apprendre notamment son intention de porter plainte contre Areva et l'État français.
On ne l’avait plus revu depuis fin 2013, avec cette date du 30 octobre où Thierry Dol, retenu en otage depuis le 16 septembre 2010 par Aqmi au Niger, retrouvait le sol français et la liberté. Et si l’ingénieur s’exprime aujourd’hui, c’est notamment pour signifier son intention, via son avocat, de déposer deux plaintes contre Areva et l’État français pour “mise en danger de la vie d’autrui” et “non-assistance à personne en danger”.
Thierry Dol a expliqué l’une de raisons de cette double poursuite auprès de nos confrères du Parisien : “Le matin de la libération, les geôliers nous ont offert le café, avant d’annoncer que nous allions revoir nos familles. Nous n’avons pas eu le temps de réaliser. Et puis il y a eu les officiels, le président, les honneurs. Sur le tarmac de Villacoublay, on me voit sourire, mais je me disais qu’ils avaient beau jeu de nous mettre en scène après nous avoir abandonnés. Je n’imaginais pas ce qui avait été fait pour nous. Aujourd’hui, j’ignore encore s’il y a eu rançon, si oui combien, les intermédiaires éventuels, les autres contreparties… J’ai besoin de savoir. C’est l’un des objectifs de la procédure que j’intente aujourd’hui.”
Un ex-otage d’Aqmi au Niger veut porter plainte contre l’État : “J’ai besoin de savoir”
Plus tôt dans l’entretien, Thierry Dol racontait avoir été recruté par Vinci en 2005 après ses études d’ingénieur. Et d’avoir réalisé son désir de s’expatrier, ici à Arlit, en 2008. Le tout dans un contexte compliqué avec lequel il a fallu apprendre à vivre : “La sécurité, assurée par une société privée, s’est renforcée progressivement à cause des combats qui opposaient la rébellion touareg au pouvoir nigérien. Mais la mort de l’otage Michel Germaneau, en juillet 2010, et les frappes aériennes françaises qui ont suivi ont peu à peu augmenté les risques qui pesaient sur nous.”
“Il faut réapprendre à vivre”
À la question de savoir si la société Areva a alors procédé à un renforcement de la sécurité de ses employés, l’ingénieur évoque la réception d’un document : “Une note de l’entreprise, reçue à l’été 2010, nous incitait à davantage de prudence, preuve que la société n’ignorait pas ces risques. Mais le document se contentait de prodiguer des conseils, comme le fait de modifier nos trajets. Cette crainte pour notre sécurité m’a en partie poussé a demandé ma mutation, que j’ai obtenue en août, soit un mois avant l’enlèvement. Je devais encore rester le temps de la formation de mon successeur. Les derniers jours, la menace était telle que j’étais persuadé qu’Areva allait nous évacuer. Au moment de notre enlèvement, des investisseurs chinois étaient présents. Leur sécurité a-t-elle primé sur la nôtre ? Je veux que toute la lumière soit faite.” À l’heure actuelle, Thierry Dol apparaît loin de s’être totalement remis de cette épreuve : “Il faut réapprendre à vivre. S’ouvrir à nouveau aux émotions. J’y travaille, mais je conserve aujourd’hui encore une certaine froideur. Je me bats également toujours pour mon indemnisation. Le fonds de garantie m’a proposé 26 euros par jour de détention. Les otages de Jolo, enlevés pendant trois mois en 2000, ont obtenu une décision de justice leur octroyant une somme nettement supérieure. Avons-nous moins souffert qu’eux ? C’est indécent, après ce que nous avons vécu, de devoir entrer dans des discussions de marchands de tapis. Je ne veux plus être l’otage de personne. J’ai tout perdu. Je veux juste avoir le droit de me reconstruire.”