Les patrons Suisses gardent leurs jets mais disent adieu à leurs parachutes
Les Suisses, pourtant majoritairement attachés au libéralisme économique, viennent de dire "oui", par référendum, à un projet visant à limiter les salaires mirobolants des grands patrons, mais aussi à supprimer certaines indemnités comme les parachutes dorés.
L’initiative Minder adoptée par 67,9% des votants
La Suisse vient d’adopter le dimanche 3 mars l’initiative Minder, du nom du sénateur Thomas Minder, à l’origine de ce projet. Cette initiative populaire, lancée en 2008, a été accueillie favorablement par le peuple et les cantons à hauteur de 67,9%. Un score jamais atteint depuis 1990 et l’initiative “Pour un jour de la fête nationale férié”. Le Parlement fédéral devrait prochainement commencer à traduire ce projet en loi, mais il n’aboutira pas avant un ou deux ans. Les experts s’attendent à de longs débats, du fait de la technicité du sujet et de l’absence de majorité en faveur de ce projet.
En Suisse, certains citoyens peuvent déposer une initiative populaire pouvant aboutir à un projet de loi si la barre des 100 000 signatures est atteinte. Le projet est ensuite soumis à un référendum, appelé “votation populaire”.
Concrètement, cette initiative touchera 260 entreprises cotées en bourse sur les quelque 600 000 que compte le pays. La durée du mandat des membres du conseil d’administration des entreprises concernées sera limitée à un an. Les indemnités de départ, autrement dit les parachutes dorés, seront interdites, de même que les primes pour les achats d’entreprises. Les actionnaires voteront, tous les ans, le salaire de la direction et du conseil d’administration. Ceux qui ne respecteront pas cette règle pourront être condamnés à trois ans de prison ou à payer une amende correspondant à six ans de revenus.
Un signal lancé aux élites
Interrogé par la télévision Suisse, Thomas Minder a estimé que “le peuple a décidé de donner un signal fort envers les conseils d’administration, le Conseil fédéral (le gouvernement, ndlr) et le Parlement”. Le pays s’était indigné après la découverte de la prime de départ de 60 millions d’euros, que le conseil d’administration du groupe pharmaceutique Novartis avait prévu pour son futur ex-président, Daniel Vasella. Plusieurs scandales financiers comme celui-ci ont, depuis 2001, poussé la Suisse à réfléchir à un moyen de lutter contre le système des parachutes dorés.
Le gouvernement était toutefois contre l’initiative Minder du fait qu’elle pourrait nuire à l’attractivité économique du pays en mettant en place des “dispositions lourdes et restrictives”. Un contre-projet, moins réformateur, avait été créé. En effet, la Suisse deviendrait avec cette initiative, l’un des pays ayant le système de contrôle des rémunérations des dirigeants d’entreprises parmi les plus stricts au monde. Un système bien supérieur à celui de la France, où les parachutes dorés ne sont pas interdits, mais sont soumis à des cotisations sociales. La loi de finances rectificative de 2012 vise toutefois à alourdir leur taxation.
En France, la gauche félicite cette initiative. Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a déclaré qu’il s’agissait “d’une excellente expérience démocratique où les Suisses montrent la voie, et personnellement je pense qu’il faut s’en inspirer”. Harlem Désir va même jusqu’à montrer son engouement, ce lundi sur France Info, en lâchant un “J’ai envie de dire ‘vive les Suisses’”.