Un blogueur condamné pour avoir téléchargé des documents via Google
La cour d'appel de Paris a infligé une amende de 3000 euros à un blogueur qui avait téléchargé des documents... en libre accès sur Internet.
Tout commence à l’été 2012, le blogueur Olivier Laurelli, plus connu sous le pseudonyme Bluetouff, effectue des recherches sur Google au sujet du régime syrien et tombe par pur hasard sur le serveur de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) où sont stockés de nombreux documents. Aucune sécurité, aucune demande de mot de passe et des documents en libre accès indexés par le moteur de recherche, Olivier Laurelli décide alors de télécharger les 8Go qui s’offrent à lui.
“J’ai fait une simple recherche Google avec un ‘filetype:PDF’ [qui permet de n’afficher que les documents PDF des sites, ndlr]. En cliquant sur un lien, je se suis tombé sur un dépôt de fichiers de l’Anses, que j’ai copié. Ce genre de situation est dramatiquement commune, la semaine dernière je suis tombé sur l’extranet du CSA” indique-t-il.
Engagé avec le groupe Telecomix pour soutenir la révolte syrienne, l’homme décide de publier un mois plus tard deux articles, basés sur les documents trouvés, sur son site Reflets.info. Mais si les documents étaient facilement accessibles sur Internet, l’ANSES ne voit pas les choses de la même manière et affirme que ces documents de travail interne n’auraient jamais dû être divulgués. L’organisme porte plainte et la Direction Centrale du Renseignement Intérieur se charge d’enquêter sur l’affaire, plaçant Olivier Laurelli en garde à vue pendant 30 heures.
Une affaire déjà surréaliste
Des suites de cette affaire, déjà surréaliste, se déroule un procès en première instance en avril 2013. L’homme n’est pas reconnu coupable et est alors relaxé. À ce moment, le tribunal de grande instance de Créteil indique que l’ANSES ne conteste pas la défaillance technique qui existait et que “Monsieur Olivier Laurelli a pu récupérer l’ensemble des documents sans aucun procédé de type hacking“.
Si l’ANSES décide alors d’en rester là, le parquet décide quant à lui de poursuivre l’affaire. Celui-ci reconnaît la défaillance de l’extranet de l’organisation, mais remet en cause la bonne foi du blogueur, affirmant que celui-ci “savait que cet extranet était normalement protégé“. Alors que le ministère public demandait 2000 euros d’amende avec sursis, les juges s’emportent et condamnent Olivier Laurelli à 3000 euros d’amende !
“Il n’y a ni victime, ni préjudice”
“Alors que l’Anses a reconnu ne pas avoir subi de préjudices, ni de piratage, on se demande quel est le délit“, indique Bluetouff, soutenu par son avocat Me Iteanu qui, en colère, a indiqué “ne pas comprendre cette décision puisqu’il n’y a ni victime, ni préjudice“.
Selon Mediapart, l’affaire est encore plus grave qu’elle n’en a l’air et pourrait créer un inquiétant précédent, “concrètement, cela signifie désormais qu’un journaliste, ou n’importe quel internaute, peut être tenu pour responsable s’il télécharge un document censé être confidentiel, mais placé par erreur dans l’espace public d’un site“.